Des privilèges de la période coloniale maintenus

- Statut particulier pour la station du port de Casablanca

- La loi sur la réforme portuaire toujours pas appliquée


Depuis le 5 décembre, les activités de pilotage maritime, remorquage, lamanage et autres opérations portuaires se déroulent dans le vide juridique. Cette date correspond à l’expiration du délai de trois ans prévu pour l’application intégrale de la loi 15-02 relative à la réforme portuaire. Or, si ce délai se justifie pour la mise en œuvre des concessions portant sur l’exploitation portuaire, il en va autrement des autres activités. Tout particulièrement du pilotage maritime. «La mise en adéquation avec la nouvelle loi ne coûterait rien à la communauté», estiment les professionnels. Pourquoi alors ce laxisme? Mohamed Jamal Benjelloun, directeur général de l’Agence nationale des ports (ANP), explique le retard pris par l’énormité des tâches à effectuer. De plus, les 3 années de grâce prévues ont été ramenées à deux ans dans la mesure où les textes d’application n’ont vu le jour que 12 mois après la publication de la loi. Toujours est-il que le dossier est à l’ordre du jour, signale-t-il. Mais l’argumentaire du DG de l’ANP est battu en brèche par les professionnels. Surtout en ce qui concerne la station de pilotage de Casablanca qui opère aussi dans le port de Jorf Lasfar. Créée en 1920, celle-ci bénéficie d’un statut particulier : c’est un organisme privé ayant une mission de service public. Dans ce modèle, la collectivité des pilotes est copropriétaire à parts égales des biens de la station. C’est un organisme «Sui generis» classé en dehors des sociétés civiles et commerciales. Et pour cause! Elle est régie par le dahir du 20 février 1937 réorganisant l’activité du pilotage dans le port de Casablanca. Le texte, ayant tout simplement transposé la législation française, comporte encore des dispositions liées au régime du protectorat. Cette «corporation» a déjà échappé au dahir de 1958 réglementant les associations professionnelles. Celles-ci ne peuvent être qu’à but non lucratif alors que l’Association des pilotes de Casablanca exerce une activité commerciale, bien rémunérée et exemptée des impôts. Seuls l’Impôt sur le revenu (IR) et la contribution patronale sont versés respectivement aux services des impôts et à la CNSS. Sans oublier la Caisse interprofessionnelle marocaine. Histoire de s’adjuger une pension confortable. Mais au-delà, quid de la sécurité maritime? La station qui opère pour 60% du commerce extérieur marocain ne compte en effet que 15 pilotes. C’est le nombre prévu par le fameux dahir de 1937. Depuis, le trafic a été multiplié par 200. Selon les chiffres officiels plus de 5.000 navires font escale annuellement dans les ports de Casablanca et Jorf Lasfar. Peut-on alors fermer les yeux sur cet état de fait alors que la loi sur la réforme portuaire instaure, entre autres, la libre concurrence et l’organisation des opérateurs en sociétés de droit privé? La situation ne s’accommode plus d’ambiguïtés. D’autant plus que le pilotage demeure un service public dont l’organisation revient à l’Etat. «De ce fait, il bénéficie d’un monopole juridique compte tenu d’impératifs de sécurité publique», reconnaît le DG de l’ANP.

Manne financière

Le trafic réalisé au port de Casablanca en 2007 a atteint 34,4 millions de tonneaux de jauge brute (TJB). Il s’est élevé à 37, 7 millions de TJB au cours des 10 premiers mois de 2008. Pour le port de Jorf Lasfar, ce trafic représente respectivement sur 11 et 9,3 millions de TJB, pour une recette de 34 millions de DH. C’est la rémunération du pilotage, de la mise à quai et des vacations des vedettes. Mais le montant est à augmenter de 30% compte tenu des majorations appliquées pour le travail de nuit, dimanches et jours fériés. A. G.
L'economiste - 26/12/2008