les pilotes contestent un appel d'offres
.Emis par L'ANP,il est taxé de « favoritisme »
«Des conditions draconiennes et sans commune mesure avec la réalité du trafic dans les ports ciblés». C’est en substance le grief retenu par le syndicat des pilotes maritimes du Maroc à l’encontre du cahier des charges relatif à la concession de leur activité dans les ports de Casablanca et Jorf Lasfar. Cahier des charges dont la teneur n’a pas encore été rendue publique tout comme l’avis d’appel d’offres le concernant. Mais le bureau national des pilotes, affilié à l’UGTM (Union générale des travailleurs marocains), a d’ores et déjà été édifié sur les tenants et aboutissants de cette affaire. Selon lui, c’est «le maintien du statu quo en faveur de l’Association des pilotes de Casablanca qui est ciblé», dénonce la lettre adressée à ce sujet au directeur général de l’Agence nationale des ports (ANP) et dont L’Economiste détient copie. Le projet d’appel d’offres préparé par l’ANP occulte, selon la missive, «un aspect fondamental, celui du niveau du trafic dans les ports concernés». Car, si pas moins de 30 mouvements de navires par jour sont enregistrés au port de Casablanca, il en va autrement de Jorf Lasfar. Tout au plus 2 à 3 rotations/jour y sont effectuées. Au demeurant, Jorf Lasfar est spécialisé dans les échanges de matières premières à usage industriel. «Pourquoi alors mettre aussi haut la barre pour la gestion de l’activité du pilotage dans ce port», s’indigne le syndicat. De fait, les conditions sont identiques pour les deux outils portuaires: 4 vedettes, une caution de 2 millions de DH, une redevance fixe d’un montant minimal de 500.000 DH et une variable représentant 4% du chiffre d’affaires. «Conditions dont le dessein ne vise qu’à sacrifier le principe de la mise en place de la libre concurrence», déclare un pilote de la station de Kénitra. Pourtant, c’est ce principe même qui détermine et l’esprit et le bien-fondé de la réforme portuaire. Et le chemin qui reste à parcourir n’annonce pas l’ouverture de cette compétition dans un proche avenir. Si bien que l’ANP, autorité portuaire de régulation, continue de gérer l’activité de pilotage dans les ports de Tan Tan et Kénitra. La loi l’autorise à le faire de manière provisoire ou si un appel d’offres s’avère infructueux. Mais pourquoi a-t-on écarté le port de Kénitra du projet de l’avis d’appel d’offres? s’interroge la profession. Mis à part Casablanca et Jorf Lasfar, toutes les autres stations de pilotage sont gérées par Marsa Maroc.
Pour rappel, la loi 15-02 a prévu un délai de 3 ans pour la mise en application intégrale de la réforme portuaire. Ce délai a expiré le 5 décembre 2008 notamment pour le pilotage, remorquage et lamanage. «Activités dont la mise en adéquation avec la loi ne coûterait rien à la communauté», estiment les professionnels (cf. L’Economiste du 26 décembre 2008). Surtout pour ce qui est de la station de pilotage de Casablanca qui opère aussi dans le port de Jorf Lasfar.
Créée en 1920, celle-ci bénéficie d’un statut particulier: il s’agit d’un organisme privé ayant une mission de service public. Tout récemment, elle vient d’opérer sa mue en société. Mais au-delà, quid de la sécurité maritime? La station qui opère pour 60% du commerce extérieur marocain ne compte en effet que 15 pilotes. C’est le nombre prévu par le fameux dahir de 1937 créant et organisant l’activité du pilotage dans le port de Casablanca. Depuis, le trafic a été multiplié par plus de 200 fois. Selon les chiffres officiels, plus de 5.000 navires font escale annuellement dans les ports de Casablanca et Jorf Lasfar.
Le trafic réalisé au port de Casablanca en 2007 a atteint 34,4 millions de tonneaux de jauge brute (TJB). Il s’est élevé à 37,7 millions de TJB au cours des 10 premiers mois de 2008. Pour le port de Jorf Lasfar, ce trafic a été respectivement sur 11 et 9,3 millions de TJB. D’après la tarification en vigueur, ce trafic a généré une recette de 34 millions de DH. C’est la rémunération du pilotage, de la mise à quai et des vacations des vedettes. Mais le montant est à augmenter de 30%, soit 45 millions de DH compte tenu des majorations appliquées pour le travail de nuit, dimanche et jours fériés. Un véritable pactole qui ne profite qu’à une infime partie de la profession.